Où est ton papa ? Sur TikTok.
À une époque plus ou moins lointaine, mettre ses parents en story ou même avoir sa mère en amie sur Facebook était impensable. Parce que les réseaux sociaux, c’était notre espace personnel. Un peu comme notre chambre d’ado remplie de posters, avec un insigne sur la porte “Interdit aux adultes”. Contre toute attente, ils font désormais l’unanimité sur TikTok. Le plus souvent on tente de les surprendre, mais il nous arrive aussi de nous laisser prendre au dépourvu par leur propre univers. On a installé une vraie pièce de théâtre avec eux. Et ils jouent le jeu.
Pour le plus grand plaisir de leur communauté, ou au plus grand désespoir des parents, leurs enfants les mettent en scène quotidiennement. En faisant sourire ceux qui regardent, ils montrent aussi le ton de leurs relations familiales. Un moyen d’attendrir, voire de libérer ceux qui se projettent comme faisant un peu partie de la famille. Et c’est ainsi qu’on a vu naître des icônes :
- Severineeeeee, la belle-mère la plus tolérante de France
- Florence, plus communément appelée “la reine des piafs”
- Papao et Mamao, le ying et le yang de la maison
- Nathalie, la mère qui mérite de faire la prochaine couverture de Vogue
On les fait danser sur Smalltown Boy ou sortir les albums photos d’il y a 20 ans pour les observer d’un regard tendre avec leur communauté. Finalement, les Digital Natives cherchent à voir notre décalage générationnel comme un moyen de se rassembler par nos incompréhensions. Ils rient de nos tendances complètement barrées, et on s’étonne de leurs habitudes d’antan.
Les enfants se mettent au sharenting
Au rythme des années 1980, on regarde leur jeunesse défiler comme si on y était. Florence, semble-t-il, était une fangirl incontestable de Patrick Bruel. Et ça, depuis toutes ces années, ça n’a jamais changé. Pour la première fois peut-être, on les voit par un autre spectre que leur rôle de parent.
Aussitôt que l’on projette un nouveau regard sur ceux qui autrefois avaient l’ascendant, on pourrait presque les assimiler à notre propre culture. S’ils ont eu une jeunesse, alors ils peuvent s’intégrer dans la nôtre… à leur manière. Ainsi, on se permet de supprimer une part de la distance enfants-parents qui avait été instaurée jusque là, voire même, on ne s’interdit pas d’inverser les tendances.
Replacer son aîné dans sa jeunesse, c’est lui offrir la possibilité de se montrer vulnérable. Face aux regards émerveillés de TikTok, l’innocence tourne à l’infantilisation. Or, pour rappel, il y a 20 ans vous n’existiez pas. Heureusement, on n’hésite pas à inclure ces jeunes boomers dans nos propres délires enfantins. On partage même leur nostalgie. Du moins, on tente de se l’approprier. Et on leur offre le privilège d’avoir vécu ce qu’on ne pourra jamais voir de nos propres yeux. Sauf la musique des années 1980, ça, on pourra toujours l’entendre.
Old-fashioned is the new fashion
En bref, on envie les ridés d’aujourd’hui. Mieux encore, on leur redonne une place dans l’espace publique. Le mois dernier, Antoine De Caunes sortait le magazine Vieux. Plus clair, on ne peut pas. Face à un mot aux connotations aussi crues, certains se demandent si les vieux ont vraiment envie de se faire appeler de la sorte. Et puis, à quel âge on est vraiment vieux d’abord ? Pour autant, leur ambition est claire : célébrer le temps qui passe, et rassembler une génération sous prétexte d’évoquer des sujets qui nous intéressent tous. Sur le site de CMI France, on peut lire une citation de Groucho Marx résumant l’état d’esprit de VIEUX : « Dans chaque vieux il y a un jeune qui se demande ce qui s’est passé. » Et c’est clairement ce que TikTok essaye de nous crier.
Alors qu’on peut avoir l’air cool sur TikTok pendant un bon nombre d’années avant de rejoindre ceux qui ont déjà quitté la partie.
Et si les vieux eux-mêmes mélangent leurs codes aux nôtres, on a une bonne nouvelle : peut-être assiste-t-on à la fin de la stigmatisation ? Dans un monde idéal, on arrêterait de ranger les jeunes et les vieux dans des cases préétablies, et on les laisserait partager des hobbies similaires sans y percevoir de décalage. On peut s’appeler Mamie et avoir envie de s’exprimer sur TikTok autant qu’on peut avoir 20 ans et être passionnée de tricot. Pour preuve, on vous présente Marina Prieto.
Mercredi dernier, cette campagne madrilène réalisée par l’agence David pour JCDecaux obtenait le Grand Prix Creative B2B aux Cannes Lions. Et ça ne pouvait pas mieux tomber. Leur idée ? Donner de la visibilité à une centenaire adepte d’Instagram en l’affichant en grand format dans le métro. Et, il semblerait que ses photos de vacances aient attendri plus d’un passant pressé. Résultat, elle est passée de 23 fidèles à plus de dix mille abonnés. Un véritable tacle au jeunisme perpétré sur les réseaux sociaux.
À une époque où on cherche à tout prix à rajeunir et où Bryan passe plus de temps sous le bistouri que in the kitchen, on peut aussi choisir de se comporter comme si on n’avait jamais pris une ride, et coller des posters de Patrick Bruel dans sa chambre.
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