Revenir en haut

Nous stalker

S'inscrire à notre newsletter

Chaque lundi, stalkez avec nous :

édito, derniers articles et recos exclusives pour garder un œil sur les tendances.

Comment les boomers sont devenus nos icônes ?

Temps de lecture : 5 minutes

28/06/2024

Les vieux, les darons, les renpa… appelez-les comme vous voulez, tant que vous les prenez en vidéos pour alimenter vos réseaux sociaux. Depuis qu’on leur avait laissé champ libre sur Facebook, l’écart générationnel n’en avait pas fini de se creuser. Un peu trop à notre goût.

avatar de Laury Peyssonnerie

Content Strategist. 30 onglets ouverts dans la tête et un assistant à moustaches sur les genoux.

Laury Peyssonnerie

Où est ton papa ? Sur TikTok.

À une époque plus ou moins lointaine, mettre ses parents en story ou même avoir sa mère en amie sur Facebook était impensable. Parce que les réseaux sociaux, c’était notre espace personnel. Un peu comme notre chambre d’ado remplie de posters, avec un insigne sur la porte “Interdit aux adultes”.

Contre toute attente, ils font désormais l’unanimité sur TikTok. Le plus souvent on tente de les surprendre, mais il nous arrive aussi de nous laisser prendre au dépourvu par leur propre univers. On a installé une vraie pièce de théâtre avec eux. Et ils jouent le jeu.

View post on TikTok
View post on TikTok

Pour le plus grand plaisir de leur communauté, ou au plus grand désespoir des parents, leurs enfants les mettent en scène quotidiennement. En faisant sourire ceux qui regardent, ils montrent aussi le ton de leurs relations familiales. Un moyen d’attendrir, voire de libérer ceux qui se projettent comme faisant un peu partie de la famille.

Et c’est ainsi qu’on a vu naître des icônes :

  • Severineeeeee, la belle-mère la plus tolérante de France
  • Florence, plus communément appelée “la reine des piafs”
  • Papao et Mamao, le ying et le yang de la maison
  • Nathalie, la mère qui mérite de faire la prochaine couverture de Vogue

ou encore StudioDanielle pour ceux qui préfèrent les grands-mères (ou qui n’ont toujours pas TikTok).

Tantôt ces grands enfants plongent leurs parents, sans honte, dans leur univers. Tantôt ils apprivoisent celui de leurs ainés, et en font de véritables personnages.

View post on TikTok
View post on TikTok

On les fait danser sur Smalltown Boy ou sortir les albums photos d’il y a 20 ans pour les observer d’un regard tendre avec leur communauté.

Finalement, les Digital Natives cherchent à voir notre décalage générationnel comme un moyen de se rassembler par nos incompréhensions. Ils rient de nos tendances complètement barrées, et on s’étonne de leurs habitudes d’antan.

Les enfants se mettent au sharenting

Au rythme des années 1980, on regarde leur jeunesse défiler comme si on y était. Florence, semble-t-il, était une fangirl incontestable de Patrick Bruel. Et ça, depuis toutes ces années, ça n’a jamais changé. Pour la première fois peut-être, on les voit par un autre spectre que leur rôle de parent.

“En même temps, cela peut être un rite de passage dans la vingtaine de réaliser que vos parents sont plus que vos parents, qu’ils ont eu une vie avant vous, qu’ils étaient beaux, qu’ils se comportaient admirablement et qu’ils étaient désirés, et qu’ils le sont toujours. Vous ne le saviez pas vraiment, et tout à coup vous le savez. Ils étaient tellement plus âgés à l’époque ; ils sont plus jeunes que cela maintenant.” Jessica Winter, journaliste pour The New Yorker

Aussitôt que l’on projette un nouveau regard sur ceux qui autrefois avaient l’ascendant, on pourrait presque les assimiler à notre propre culture. S’ils ont eu une jeunesse, alors ils peuvent s’intégrer dans la nôtre… à leur manière.

Ainsi, on se permet de supprimer une part de la distance enfants-parents qui avait été instaurée jusque là, voire même, on ne s’interdit pas d’inverser les tendances.

View post on TikTok

“Comme si l’inversion des rôles (un jeune prend soin du vieux) renvoyait la personne aînée vers le monde de l’enfance, période toute désignée pour être cute. La ligne entre une bienveillance envers cette fragilité et un sentiment implicite de supériorité est bien mince.” Quoc Dinh Nguyen, gériatre, épidémiologiste et chercheur au Centre hospitalier de l’Université de Montréal pour l’Actualité

Replacer son aîné dans sa jeunesse, c’est lui offrir la possibilité de se montrer vulnérable. Face aux regards émerveillés de TikTok, l’innocence tourne à l’infantilisation. Or, pour rappel, il y a 20 ans vous n’existiez pas.

Heureusement, on n’hésite pas à inclure ces jeunes boomers dans nos propres délires enfantins. On partage même leur nostalgie. Du moins, on tente de se l’approprier. Et on leur offre le privilège d’avoir vécu ce qu’on ne pourra jamais voir de nos propres yeux. Sauf la musique des années 1980, ça, on pourra toujours l’entendre.

View post on TikTok

Old-fashioned is the new fashion

En bref, on envie les ridés d’aujourd’hui. Mieux encore, on leur redonne une place dans l’espace publique.

Le mois dernier, Antoine De Caunes sortait le magazine Vieux. Plus clair, on ne peut pas.

Face à un mot aux connotations aussi crues, certains se demandent si les vieux ont vraiment envie de se faire appeler de la sorte. Et puis, à quel âge on est vraiment vieux d’abord ?

Pour autant, leur ambition est claire : célébrer le temps qui passe, et rassembler une génération sous prétexte d’évoquer des sujets qui nous intéressent tous.

Sur le site de CMI France, on peut lire une citation de Groucho Marx résumant l’état d’esprit de VIEUX : « Dans chaque vieux il y a un jeune qui se demande ce qui s’est passé. »

Et c’est clairement ce que TikTok essaye de nous crier.

“La vieillesse et le déclin qui y est associé sont souvent perçus comme une fatalité.” Quoc Dinh Nguyen, gériatre, épidémiologiste et chercheur au Centre hospitalier de l’Université de Montréal pour l’Actualité

Alors qu’on peut avoir l’air cool sur TikTok pendant un bon nombre d’années avant de rejoindre ceux qui ont déjà quitté la partie.

View post on TikTok

Et si les vieux eux-mêmes mélangent leurs codes aux nôtres, on a une bonne nouvelle : peut-être assiste-t-on à la fin de la stigmatisation ? Dans un monde idéal, on arrêterait de ranger les jeunes et les vieux dans des cases préétablies, et on les laisserait partager des hobbies similaires sans y percevoir de décalage.

On peut s’appeler Mamie et avoir envie de s’exprimer sur TikTok autant qu’on peut avoir 20 ans et être passionnée de tricot. Pour preuve, on vous présente Marina Prieto.

Watch on YouTube

Mercredi dernier, cette campagne madrilène réalisée par l’agence David pour JCDecaux obtenait le Grand Prix Creative B2B aux Cannes Lions. Et ça ne pouvait pas mieux tomber.

Leur idée ? Donner de la visibilité à une centenaire adepte d’Instagram en l’affichant en grand format dans le métro.

Et, il semblerait que ses photos de vacances aient attendri plus d’un passant pressé. Résultat, elle est passée de 23 fidèles à plus de dix mille abonnés. Un véritable tacle au jeunisme perpétré sur les réseaux sociaux.

”JCDecaux voulait accroître la notoriété du média de publicité extérieure. L’idée d’utiliser Marina était merveilleuse. Ils ont fait un excellent discours sur la façon dont de nombreux influenceurs n’apportent pas nécessairement un discours inspirant, et comment les personnes âgées, qui sont exclues du discours actuel par un gap générationnel et technologique, méritaient d’être entendues.” Jose Sancho, Creative Director pour l’agence DAVID

À une époque où on cherche à tout prix à rajeunir et où Bryan passe plus de temps sous le bistouri que in the kitchen, on peut aussi choisir de se comporter comme si on n’avait jamais pris une ride, et coller des posters de Patrick Bruel dans sa chambre.