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Threads a-t-il bouleversé nos pratiques ?

Temps de lecture : 6 minutes

11/01/2024

En trois jours, Threads a rassemblé plus de 2,6 millions d’utilisateurs européens. Encore une application de plus, encore un peu moins de temps libre pour le passer en ligne, mais près d’un mois après son arrivée, il semblerait qu’elle ait déjà remis en cause bon nombre de nos pratiques digitales. Grâce à Threads, Internet serait-il en train de connaître une nouvelle ère, celle de la bienveillance digitale ?

avatar de Laury Peyssonnerie

Content Strategist. 30 onglets ouverts dans la tête et un assistant à moustaches sur les genoux.

Laury Peyssonnerie

Le journal intime 3.0

Ces derniers mois, Twitter est devenu la risée d’Internet. Depuis qu’Elon Musk a sonné l’heure du renouveau, à commencer par le changement de l’oiseau bleu en X, l’appli a viré en soirée ratée.

Heureusement, Mark Zuckerberg est venu remettre l’ambiance avant les fêtes en Europe avec Threads. Et depuis le temps qu’on enviait nos cousins américains et leur nouveau jouet, on attendait l’application de Meta en tapant du pied.

Alors, le 14 décembre, certains ont enfilé leur plus beau costume pour télécharger Threads. Et contre toute attente, on s’est fait accueillir comme Barbie à Barbieland : sur une pelouse bien tondue et avec un grand sourire Colgate. Parce que là-bas, le nouveau credo, c’est la bienveillance.

Sur Threads, on arrête les posts de dénonciation enflammés, le sarcasme au millième degré et les vagues de haine. Même si, on doit bien l’avouer, certains arcs nous ont divertis plus d’une fois en attendant le tram.

Désormais, chacun s’exprime à sa guise. Threads est une zone de non-jugement où l’authenticité prime. Pourvu qu’elle n’entende pas parler de ce que BeReal est devenu…

 

Publié par @emywiccangirl
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Le petit frère d’Instagram semble s’être imposé comme notre ultime espoir d’enfin voir naître une safe place sur internet. Et vu l’état de notre santé mentale, on en avait bien besoin.

“C’est important de temps en temps de créer des espèces de petites bulles de respiration, de bien-être, où justement, la colère disparaît un peu. Ou en tout cas, cette colère est acceptée, transformée en quelque chose de positif. Ce n’est pas s’enfermer dans quelque chose, bien au contraire. […] C’est une réponse à un mal-être, à un besoin de se retrouver”, Lisa Dayan, cofondatrice de l’association Safe Place sur Radio France

Pour ça, Threads a débarqué avec des règles plus strictes que Twitter, parce que c’est bien connu le chaos des projets X n’annonce jamais rien de bon. La modération est plus attentive aux insultes, aux contenus à caractère sexuel mais aussi aux vagues de haine qui ont longtemps favorisé le harcèlement.

Ainsi, on a pu voir tous les introvertis de Twitter enfin taper sur leur clavier. Ils ont mis de côté l’empire du fake pour la spontanéité… au moins pour un temps, avant que les Twittos ne se ramènent à nouveau.

Trop de bienveillance tue la bienveillance

Si la bonne humeur de Threads était appréciable les deux premiers jours, il faut quand même rappeler que la vraie vie n’est pas sponsorisée par Bisounours. Pendant que certains continuent d’y croire, d’autres ne sont pas encore prêts à oublier le piment des clashs Twitter.

 

Publié par @ftmaaa.d
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Alors, les adeptes du trash présents sur Threads tentent d’y remédier en reprenant (partiellement) les bonnes vieilles habitudes : trouver des personnalités à cancel, quelques threaders à faire enrager avec une double dose de trolling, et le tour est joué !

 

Publié par @astrithrb
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La cité du positivisme serait-elle touchée par une vague de malfaisants ?

Les adeptes de la safe place n’en croient pas leurs yeux : la promesse collective de bienveillance n’a pas duré plus de deux jours. Un peu comme les invités qui ramène leurs enfants, au début ils s’essuient poliment les pieds sur le tapis, vous sourient, et à la fin de la soirée ils courent partout en hurlant. Pourtant, il semblerait que Threads soit encore timide sur les polémiques, du moins loin d’être comparable à celles de X.

“Threads se présente comme une version aseptisée de Twitter qui utilise les fonctionnalités les plus banales de la plateforme tout en étouffant la culture de publication qui a rendu Twitter si unique.”, Morgan Sung, journaliste chez Techcrunch

Dans ce combat de communautés, on perçoit surtout une différence de perception. Tandis que Twitter vit pour le clash, Threads s’impose comme le nouveau royaume du premier degré. Autant vous dire que les Twittos qui y ont fait un tour ont cru s’être trompés de porte et revenir sur Facebook, les boomers en moins – méfiez-vous, ça ne saurait tarder.

Pour contrer l’atmosphère bien souvent anxiogène et trash de l’ancien oiseau bleu, les embrouilles de Threads ont pris un penchant gnangnan qui commence à frôler l’ennui. Peut-être est-ce l’annulation de l’anonymat qui refroidit la toxicité de certains ?

Heureusement, Internet reste une place de débat décomplexée qui ne se passe pas entièrement des dramas. Threads en profite pour remettre certaines personnes à leur place à l’aide de la sacro-sainte cancel culture, mieux encore elle la fait entrer dans une nouvelle dimension : on s’embrouille, puis on retourne sur son petit nuage. Exit le déferlement d’insultes qu’on peut voir sur Twitter.

“L’anonymat relatif dont jouissent la plupart des utilisateurs sur Twitter peut favoriser les pires prises de position et les interactions les plus toxiques, mais il facilite également l’émergence d’une véritable communauté. […] La nature anonyme de Twitter permet aux utilisateurs d’exister dans une bulle de leurs propres intérêts, et a jeté les bases de l’épanouissement de la culture des fans.”, Morgan Sung, journaliste chez Techcrunch

Les fils de pub sont de retour

S’il y a bien une chose qui met (presque) tous les réseaux d’accord, c’est la publicité. Et particulièrement chez Threads, car qui dit journal intime ne dit pas annulation de la pollution informationnelle.

 

Publié par @letizia.camboni
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“Notre approche sera la même que pour tous nos autres produits : faire en sorte qu’il fonctionne bien d’abord, puis voir si nous pouvons le mettre sur la voie d’un milliard d’utilisateurs, et enfin penser à la monétisation à ce moment-là.”, Mark Zuckerberg

Si on peut avoir le sentiment que notre bon vieux Mark nous fait une faveur en nous laissant découvrir un monde où tout semble aller moins vite, la réalité est tout autre. Parce qu’en fait, la publicité, ce n’est pas seulement des posts sponsorisés.

Dès les premières heures, les marques ont vu en Threads un potentiel qui n’existait plus dans le brouhaha de X. Et justement, elles profitent du caractère intime de ce terrain pour toucher leur cible avec du ton. Des refs, de la personnalité, du fun pour remplacer les services clients ennuyeux et les infos trafics corporate.

Les CM peuvent enfin étaler toute leur culture internet pour amuser la galerie, et créer des relations de proximité. Ça tombe bien, Instagram était à court d’idées… les canaux, ça vous parle encore ?

Mais ce qui nous a frappés encore plus fort, c’est à quel point nos prises de paroles personnelles sont proches de celles des marques.

Lorsque nous parlons de la façon dont les entreprises apparaissent pour faire de la publicité, ce que j’ai remarqué sur TikTok, c’est que nous créons vraiment du contenu à travers les mécanismes de la publicité, mais nous nous l’infligeons à nous-mêmes. Vous voyez quelqu’un sur TikTok qui dit : “Venez avec moi pour une journée dans la peau de ce type de personne qui fait cette chose”. Et c’est comme si vous faisiez de vous un produit.”, Kate Lindsay, écrivaine et co-dirigeante de la newsletter Embedded

Depuis son lancement, le fil d’actualité Threads est pollué par des posts bienveillants qui font la promotion de tous les créateurs d’Europe. Suivis de demandes incessantes de Follow for Follow, comme si on était de retour aux débuts de Twitter, voire même de Skyblog. Le fameux, “1 like chez moi, 2 likes chez toi”.

Ainsi, chacun devient sa propre marque, en reproduisant les formats imaginés par les marques. Par mimétisme, ou peut-être simplement parce que c’est ce qui fonctionne désormais le mieux dans l’algorithme… l’authenticité version Threads.

Alors, serait-ce à nouveau les marques qui dirigent les tendances des formats de contenus ?

“Pour être clair : Threads n’a pas vocation à être fun. On parle de Meta – l’amusement n’est absolument pas le but. Instagram n’est pas amusant non plus, mais il fonctionne bien comme une landing page personnelle pour tous ceux qui essaient de vendre quelque chose ou de construire une marque. Le reste d’entre nous se contente d’y traîner, faute d’avoir autre chose à faire, ce qui semble bien convenir à Meta.”, Taylor Hatmaker, journaliste senior chez Techcrunch