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Et si on détestait tous les réseaux sociaux ?

Temps de lecture : 3 minutes

07/05/2024

On connaissait déjà les injonctions à la digital detox ou les alertes sur les dangers d’internet. Mais ce n’était rien par rapport au coup de massue du dernier sondage publié par le think-tank Destin Commun : 50% des Français préféreraient "vivre dans un monde où les réseaux sociaux n’auraient jamais été inventés”. Et si, passé la désillusion, il était temps de faire le deuil des réseaux sociaux ?

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Brand Strategist. La voix de quelques podcasts et le cœur brisé régulièrement par le Paris Saint-Germain.

Peter Rechou

Une safe place pleine de danger

Permettre de s’affirmer, pouvoir se reconnecter, faire entendre des voix ou faire avancer des causes : telle était la promesse des réseaux sociaux. Alors, comme pour votre premier amour ou votre dernier match Tinder, et s’il était temps de passer à autre chose ?

On dit que le déni est la première étape du deuil amoureux. Mais ça fait visiblement un petit moment qu’on a ouvert les yeux : en 2010, déjà, on parlait de digital detox.

Alors, concrètement, pourquoi cette “safe place” — qui ne nous a jamais vraiment parut safe — semble-t-elle désormais être une zone pleine de danger ?

Dans son sondage, Destin Commun fait un constat alarmant, voire même déstabilisant à l’aube de nouvelles élections : pour un Français sur deux, “les réseaux sociaux sont une menace pour le bon fonctionnement de la démocratie”.

Et si ce chiffre peut étonner par son importance, il n’est pas une surprise. Dernièrement, le scénariste Eric Benzekri, qui avait notamment co-écrit la série ”Baron Noir”, traite le sujet dans une nouvelle série pour Canal+.

“La Fièvre” (avec Ana Girardot, Nina Meurisse et Benjamin Biolay), nous plonge au cœur d’une tempête médiatique, quand un joueur de football noir met un coup de tête à son entraîneur blanc pendant une cérémonie officielle, le traitant de “sale toubab”.

Le scandale éclate sur les réseaux sociaux, faisant bouillir petit à petit la société toute entière à coups de grands débats. Cet embrasement est raconté à travers le regard de deux femmes : Sam Berger, une communicante qui gère la crise pour le club, et Marie Kinsky, une sorte d’influenceuse d’extrême droite, qui prend plaisir à mettre le feu aux poudres.

La série souligne alors la puissance des réseaux sociaux et les risques qui vont avec, tout en exposant la culture du scandale et la manipulation de l’information.

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Preuve que cette observation inquiète et agite : il n’en fallait pas plus à la presse, tous bords confondus, pour s’emparer du sujet et faire le lien entre fiction et réalité. Certains médias y reviennent même plusieurs fois.

Dans la réalité, on s’est à peu près tous éloignés de la promesse originelle de notre arrivée sur les réseaux sociaux. Destin Commun le confirme : 55% des Français “préfèrent le modèle originel des réseaux sociaux, centré sur les contacts avec les proches”.

Et pourtant, jamais autant de monde n’a été sur les réseaux sociaux en France : une étude We Are Social x Meltwater comptait 50,7 millions d’utilisateurs actifs en janvier 2024. Soit trois Français sur quatre.

Alors, soit nous sommes collectivement pris dans un engrenage malicieux nous empêchant de sortir des griffes de Mark Zuckerberg, Elon Musk et Shou Zi Chew, soit on aime finalement détester les réseaux sociaux, ou dire dire qu’on les déteste, tout en appréciant certains de leurs aspects. Au final, comme souvent, la vérité se trouve peut-être entre les deux.

On ne peut pas s’encadrer ?

Et si la réponse au désamour des réseaux sociaux était plus d’encadrement ?

Là encore, le paradoxe est de taille : alors que la liberté faisait partie de la promesse originelle des réseaux sociaux (oui, encore elle), de plus en plus d’internautes demandent davantage d’encadrement des plateformes.

D’après l’étude de Destin Commun, 57% des Français estiment que le gouvernement “n’en fait pas assez” dans la réglementation autour des réseaux sociaux.

Et ce, notamment pour l’accès des jeunes à ses plateformes : 75% sont “favorables à la majorité numérique à 15 ans”. Ceux-là doivent donc être ravis : elle est inscrite dans la loi depuis le 7 juillet 2023. Mais, équilibre oblige, ils sont aussi nombreux à penser que les parents sont avant tout “les premiers responsables de la protection des enfants face aux dangers sur internet”.

Si la demande d’encadrement des réseaux sociaux s’intensifie, il faut cependant veiller à ne pas oublier l’espace de liberté d’expression qu’ils offrent. Même si, là aussi, cela entraîne quelques limites.

Ces plateformes ont bel et bien donné une voix à des lanceurs d’alerte ou une résonance à des mobilisations collectives : à l’exemple du mouvement planétaire “Me Too”, lancé le 15 octobre 2017 par un tweet de l’actrice Alyssa Milano.

Comme on le cite dans notre documentaire “Selfie : symbole de notre société”, la théoricienne Marion Zillio fait le parallèle entre réseaux sociaux et l’agora de l’Antiquité Grecque ou Romaine, “où les gens pouvaient se voir et débattre”, affirmant alors que “les réseaux sociaux peuvent faire figure de nouvelles agoras”.

Évidemment, nous sommes tous en proie aux algorithmes. Avec ce que ça a de meilleur, et ce que ça nous amène de pire. Mais, comme on le rappelait dans un article sur l’amour et le désamour de TikTok, et si, finalement, le vrai débat était sur l’utilisation que nous faisons des réseaux sociaux ?