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Kamala Harris VS Donald Trump

Temps de lecture : 6 minutes

01/11/2024

Aux États-Unis, le système électoral impose un choix binaire : d’un côté, le candidat démocrate, de l’autre, le candidat républicain. Kamala Harris ou Donald Trump, comme si l’avenir du pays tenait à un jeu de pile ou face. Et si le processus est bien plus complexe que ça, chaque élection nous laisse croire le contraire tant le spectacle est plus grandiose que le précédent.

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Content Strategist. 30 onglets ouverts dans la tête et un assistant à moustaches sur les genoux.

Laury Peyssonnerie

Polariser pour mieux voter

La communication politique américaine a toujours été plus délurée que celle de nos candidats français — ce qui s’explique notamment par leurs budgets colossaux, et l’accès à des financements d’entreprises privées et de donateurs influents. Les montants affluent, et les propositions extravagantes aussi : parmi elles, l’idée d’Elon Musk de verser un million de dollars par jour aux électeurs républicains, preuve supplémentaire que tous les coups sont permis.

Si Donald Trump peut compter sur le soutien public de l’un des hommes les plus riches de la planète, Kamala Harris n’est pas en reste. En déployant une approche plus tardive mais soigneusement calibrée, elle construit un récit auquel des millions d’Américains s’identifient.

D’une manière ou d’une autre, chaque candidat déroule un branding qui va bien au-delà de son parti politique. Leurs messages sont intentionnellement polarisés, et face à cette binarité, les citoyens américains sont poussés à prendre position non plus en fonction de programmes politiques, mais de valeurs qui les renvoient à une identité.

Les deux candidats sont présentés, et se présentent eux-mêmes, comme de véritables marques. Les votants deviennent ni plus ni moins des consommateurs, plaçant l’égo avant l’égalité, en adhérant à leur valeurs, ou non : Coca Cola ou Pepsi ? Safia ou Caroline ? Donald Trump ou Kamala Harris ?

La dynamique des campagnes prend alors un tournant drôlement théâtral, et les Américains se prennent au jeu. Parfois même sans avoir lu leurs programmes, tant qu’un milliardaire leur offre des milliers de dollars…

Et c’est parti pour le show

Chaque candidat incarne un style, une vision du monde et une version de l’Amérique qui leur est propre. La recette est, comme toute marque qui se respecte, plutôt reconnaissable :

  • Un slogan fort
  • Une vision différenciante
  • Un ton maîtrisé

Quand Trump cri qu’il veut Make America Great Again, Kamala Harris s’étonne elle-même avec un We Are Not Going Back. Et ces quelques mots traduisent deux récits purement opposés, pourtant presque complémentaires.

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D’un côté, Donald Trump construit une image basée sur la peur et la nostalgie. Il ne cesse de vanter un passé glorieux auquel il promet de revenir, se plaçant en sauveur de la nation contre le déclin qu’il attribue aux démocrates. Son discours conservateur repose sur des formules simples et répétitives. Tout ce qui compte pour lui, c’est marquer les esprits. Il ne mesure pas ses mots, parce que le message est plus important que la véracité : il simplifie à outrance, quitte à heurter.

À chaque apparition, il utilise des expressions hyperboliques, des anecdotes chocs et des récits exagérés pour galvaniser ses partisans. Au cours d’un débat, il va jusqu’à affirmer que ”in *Springfield, they’re eating the dogs and the cats.”* pour descendre la politique démocrate. Parce que oui, sa stratégie s’appuie largement sur la provocation de ses concurrents. Kamala Harris affirme avoir travaillé dans un fast food ? Il n’hésite pas à orchestrer une opération de communication en quinze minutes chez McDonald pour la contre-dire.

Anders Serrano, un photographe qui lui a consacré une exposition, résume bien sa stratégie :

« Donald Trump ne se soucie pas de ce que vous dites à son propos, l’essentiel est que vous disiez quelque chose »

Si Kamala Harris semble plus modérée, son récit n’en est pas moins maîtrisé. En tant que Vice-présidente de Joe Biden, elle s’appuie sur un parcours axé sur la justice pour projeter une vision optimiste et progressiste de l’Amérique.

Fille d’immigrants et première femme racisée à accéder à ce poste, Harris ne manque pas de souligner son héritage multiculturel, positionnant son expérience personnelle — son enfance à Berkeley, son rôle de procureur, son ascension politique — comme un exemple de l’ouverture et de la diversité de l’Amérique moderne. Cette identité, savamment mise en avant, crée un lien direct et humanisant avec les électeurs, qui voient en elle un symbole d’espoir et de changement.

Contrairement à Trump, qui mise sur l’émotion brute et le spectacle, Harris adopte un ton plus nuancé et apaisé. Kamala Harris réfléchit avant de parler, car plus que marquer les esprits, elle vise à inspirer les prochaines générations. Une stratégie antidote aux discours républicains polarisants qui lui offre une posture de figure morale investie dans une mission de justice sociale.

Derrière ces deux faces de l’Amérique, on se demande : où est passée la complexité des enjeux politiques ?

Démocratie de l’image

Difficile de le rater ; la simplification des messages prévaut sur le débat politique. Dans cette compétition, l’image vaut mille mots, et celui ou celle qui triomphera sera celui qui maîtrisera le mieux les réseaux sociaux et l’IA. Fini le temps des discours poussiéreux dans des salles obscures ; le show politique s’exporte dans la poche de chaque électeur, à coups d’edits viraux et de punchlines.

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Les candidats l’ont bien compris : chaque utilisateur est exposé à un flux constant de contenus qui reflètent et amplifient ses convictions. L’algorithme fait le reste : il pousse les électeurs à s’entourer d’opinions similaires, rendant presque impossible toute remise en question. Cette dynamique crée des bulles politiques, des échos de confirmation où les arguments contraires sont rares et le doute, inexistant.

Et un jour, on finit par trouver ça normal. Des deepfakes aux edits relayant ces images, tout est bon pour alimenter des communautés politiques qui fonctionnent comme de véritables fandoms. On se retrouve plus proches de la tournée d’une star de la pop que d’un meeting politique. Les électeurs ne se contentent plus de soutenir passivement leurs candidats ; ils en deviennent des fans, voire même dans les cas les plus poussés, leur relais.

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La politique spectacle transforme peu à peu le jeu électoral en une simple compétition de popularité, où l’image et le récit priment sur la nuance et les idées. Le débat démocratique, autrefois espace d’échange et de confrontation de visions, se trouve réduit à une guerre d’images qui efface la complexité des enjeux sur la table Américaine.

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Mais rappelons-nous que ce spectacle a des conséquences bien réelles. Derrière ce rideau, pas de générique final, mais un pays aux prises avec des décisions qui influencent des vies bien au-delà de ses frontières.