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Le contenu abrégé est-il le futur du scroll ?

Temps de lecture : 4 minutes

22/02/2024

À force de consommer du contenu partout, tout le temps, on est devenu des obsédés du toujours plus vite. En plein dans ce brouhaha, on en aurait presque perdu la notion du silence, mais au moins, on est sûr de ne pas louper la dernière tendance. Le contenu ultra court et abrégé, est-il le futur du scroll ?

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Content Strategist. 30 onglets ouverts dans la tête et un assistant à moustaches sur les genoux.

Laury Peyssonnerie

À force de consommer du contenu partout, tout le temps, on est devenu des obsédés du toujours plus vite. En plein dans ce brouhaha, on en aurait presque perdu la notion du silence, mais au moins, on est sûr de ne pas louper la dernière tendance.

Le contenu ultra court et abrégé, est-il le futur du scroll ?

Taisez-vous !!!

Il y a quelques semaines, TikTok a vu fleurir un concept qui met tous les autres au tapis. Pendant que certains visent à tout prix la minute monétisée (en dessous, les créateurs ne sont pas rémunérés), d’autres préfère gagner leur temps.

Tout est dans le nom : Abrège Frère abrège les contenus trop longs.

Ce besoin d’écourter ne date pas d’hier. Avant même l’arrivée de cet océan de contenus, on voulait déjà aller toujours plus vite pour ne rien rater. Là où Twitter a démocratisé la réaction à chaud en seulement 280 signes, TikTok a normalisé les tendances d’une journée au rythme de musiques accélérées. Deux photos en deux minutes : à l’apogée de l’instantanéité, on retrouve même BeReal.

Le constat est clair : la FOMO nous colle à la peau.

FOMO

Popularisé par Dan Herman au début du XXIème siècle, le phénomène de Fear of Missing Out est, littéralement, la peur de rater quelque chose

En transformant notre rapport au temps, les réseaux sociaux ont aussi altéré notre façon de consommer du contenu. On a besoin de toujours plus d’immédiateté pour toujours moins de prise de recul. Affalés dans le canapé, pourquoi Netflix & Chill quand on peut Netflix & Scroll ?

Et tout ça dans un seul but, capturer l’élément le plus précieux que nous possédons : notre attention.

Face à cette économie constante, les créateurs ont alors fait preuve de créativité.

L’art de la storytime débunké

Si, dans le fond, on est bien là pour les écouter parler, il faut qu’on se le dise, il y a un fléau qui commençait à s’éterniser : la storytime en plusieurs parties.

Aussi pressés soit-on, pour une chute bien annoncée, on peut tenir bien plus longtemps qu’on l’aurait cru. Pourtant, la plupart du temps, l’histoire retombe juste comme un soufflé.

Et le pire, c’est qu’on en est conscient. Parce que cette mécanique bien copywritée est toujours la même : une accroche étonnante et un suspens mordant qui nous pousse à vouloir connaître la chute. Par curiosité, et alors qu’on allait se coucher, on finit bien souvent au fin fond de TikTok à 3h du réveil.

“Qui ne s’est pas déjà dit en se rendant sur TikTok qu’il avait fini par perdre la notion du temps ? Qu’il avait gâché des dizaines de minutes à force de faire défiler des vidéos franchement oubliables ?” Pauline Croquet, journaliste pour Le Monde

Et la force du suspens est tellement addictive qu’on retombe toujours dedans. Voire même, on duplique à notre tour ce schéma quand on veut, nous aussi, “percer”. Au pire, le shot de dopamine est remplacé par un soupçon de frustration.

Les storytimes aussi longues que le mois de janvier seraient-elles le cheat code pour allonger notre capacité d’attention ?

On aurait bien envie de vous dire oui, seulement @Abrègefrère a fait son entrée. En somme, il a démontré la futilité du développement pour garder l’essentiel : l’accroche et la chute. Au compteur, plus de deux heures de temps gagné, pas pour lui ni les créateurs, mais pour ceux qui scrollent.

Aussi simple le concept soit-il, @abrègefrère a réunit plus d’un million de personnes en moins de deux semaines. Tout ça en nous simplifiant la vie. Et quoi de mieux, pour serial scroller encore plus vite ?

Le roi du résumé est ainsi rapidement devenu le justicier d’une génération qui blablate un peu trop, quitte à frôler le bullshit.

Et ça a dérapé

Si on a pu secrètement espérer que ce concept change la dynamique globale des réseaux sociaux, il l’a surtout enflammée.

Parce que désormais, sa communauté n’a plus de temps à perdre. Ils veulent tout abréger et, visiblement, particulièrement les femmes. Car c’est bien connu, tandis qu’elles parlent pour ne rien dire, les hommes ont la flemme de les écouter. Les clichés ont la vie belle.

Et tant pis si ça met la pression aux créatrices de contenus comme @niemesia : « Les commentaires se voulaient assez humiliants, déjà par leur quantité, le fait qu’ils étaient répétitifs… C’était une manière plus polie de dire “Ferme ta bouche” ».

Une dynamique qui entretient les stéréotypes de genre, et qui incite à des abus de la part des masculinistes. Et rien que pour ça, celles qu’on prétend vouloir faire taire sont bien décidées à l’ouvrir encore plus :

View post on TikTok
View post on TikTok

Pour résumer : si le contenu lié au concept n’a, en réalité, rien de misogyne, – puisqu’il y a manifestement deux fois plus de femmes que d’hommes sur TikTok, et donc deux fois plus de leurs storytimes – les retombées, elles, la frôlent dangereusement.

Et pendant ce temps, @Abrègefrère, lui, continue d’abréger tranquillement. Si on dit toujours que l’ignorance est le meilleur des mépris… Il serait peut-être temps de lâcher son thé pour s’y pencher là, non ?

 

Publié par @anthodraw
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