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Pourquoi les vielles séries nous font du bien ?

Temps de lecture : 4 minutes

05/07/2024

Friends, Suits, Mad Men, Malcolm, Desperate Housewives, The Office… ces vieilles séries - plus de vingt ans pour certaines - continuent de faire chavirer nos petits cœurs de binge-watchers. Pourtant, à l’heure des trigger warnings et de la cancel culture, certaines d’entre elles ne pourraient certainement pas sortir en l’état. Alors, séries “doudou” empreintes de nostalgie ou refuges hors du temps, pourquoi les vielles séries nous font du bien ?

avatar de Peter Rechou

Brand Strategist. La voix de quelques podcasts et le cœur brisé régulièrement par le Paris Saint-Germain.

Peter Rechou

Un refuge sous la couette

Si beaucoup de ces séries sont liées à des moments clés de l’enfance ou de l’adolescence, elles nous ont vus grandir, nous accompagnant parfois jusqu’à nos vies de jeunes adultes : les dix ans de Friends, les huit de Desperate Housewives et de The Office, les sept de Malcom en sont la preuve.

Souvenirs de périodes plus insouciantes pour nous, elles nous replongent alors dans une époque que l’on chérit. Miraculeusement, les personnages n’ont pas vieilli. On garde alors cette impression de les connaître : devenus souvent des icônes de pop culture pour tous, ils demeurent des compagnons intimes pour nous, au bout d’une relation à sens unique que l’on entretient volontiers.

Attachés à ces héros et anti-héros, on aime qu’ils appartiennent à des zones préservées d’un monde qui a bougé autour d’eux, mais sans eux. Paradoxalement, la plupart évoluent dans un univers que l’on connaît ou que l’on a connu. Certes, à quelques exceptions près : certains se battent contre des vampires ou ont des pouvoirs magiques. Mais tous vivent dans un décor familier.

Au-delà du cadre auquel on s’identifie plus facilement, avoir l’impression de passer du temps avec les personnages permet évidemment d’accroître notre sentiment de familiarité. Peut-être sommes-nous finalement bien plus attachés à des séries qui nous permettaient d’apprendre à apprécier leurs protagonistes : si les 92 épisodes de Mad Men nous laissent le temps de connaître Donald Draper, imaginez les 236 de Friends.

Et à l’heure où plusieurs centaines de nouvelles séries sont diffusées chaque année, sur des plateformes toujours plus nombreuses, il est certainement plus difficile de ne pas avoir de crush pour la série voisine. Même si, en face, ce n’est pas Jim Halpert, Rachel Green ou Rachel Zane.

C’était mieux (écrit) avant ?

Comme le rappelle Cyril Lacarrière dans une chronique sur France Inter, en 2023, les Américains — à eux seuls — ont regardé 21 millions d’années de séries en cumulé. Comme on le précisait précédemment, il n’y avait pas autant de plateformes différentes et donc de contenus accessibles il y a encore quelques années. Et le passé a pour avantage notre mémoire sélective : le temps a fait le tri dans ce que l’on a aimé et dans ce que l’on a préféré laisser de côté. Nos millions d’années de séries regardées chaque année ne bénéficient pas (encore) de cette sélection mémorielle. La mémoire collective n’étant toujours pas passée sur ce que l’on a consommé, les mauvaises séries noient nos préférées. Et sans s’en rendre compte, le temps passe : les dernières saisons de Game Of Thrones ou de Orange is the new Black datent de 2019. Reste donc à savoir ce qui est vieux et ce qui ne l’est pas.

En outre, cette notion de mémoire collective est intimement liée à l’entrée de références dans la pop culture. Au-delà de la nostalgie qui nous fait aimer nos séries doudou plus que tout, il y a ce que l’on en garde collectivement : les phrases, les images, les memes. Peut-être alors que certaines “refs” entretiennent ce devoir de mémoire, nous laissant d’une série une impression bien plus forte et positive que son visionnage.

On peut peut-être également trouver la réponse en questionnant la méthode de production même des séries, finalement liée à nos manières de les consommer. Pour beaucoup de séries dites “récentes” produites par les plateformes, à l’instar de la Casa de Papel, on retrouve la même critique, : la première saison est saluée, les suivantes décriées. Et cela s’explique certainement par le fait qu’on ait l’impression que les séries plus vieilles étaient prévues pour durer. En tout cas, pensées comme tel. Quand on regarde Mad Men avec notre recul d’aujourd’hui, on s’imagine mal la série s’arrêter après la première saison : la suite nous paraît être simplement la continuité de l’histoire, retrouvant dans les saisons suivantes des réponses aux précédentes. Là où, pour beaucoup de critiques, l’histoire de la Casa de Papel pourrait s’arrêter à la première saison, la suite n’ayant été écrite qu’après la décision d’être reconduite au vu de son succès.

“Ça ne sortirait pas maintenant”

En 2021, Anaïs Bordages et Marie Telling, journalistes chez Slate et meilleures amies dans la vie, sortent le podcast “A.m.i.e.s”. Le concept ? La première n’a jamais vu Friends et a beaucoup d’a priori à son sujet, la seconde l’a revu des dizaines de foi et en est fan.

Ensemble, elles décident alors de revoir toute la série, commentant et faisant ensemble le bilan des épisodes. Petit à petit, Anaïs Bordages se met à apprécier la série et à reconnaître que certains clichés qu’elle avait en tête sont moins vrais que ce qu’on lui avait dit. Marie Telling, pourtant fan, revient elle sur des aspects qui la gênent.

En effet, la série fait régulièrement l’objet de critique : pour certains, elle serait “grossophobe, sexiste et homophobe”. Effectivement, des blagues sont faites sur le poids de Monica au lycée, la montrant alors dans un costume et un maquillage vulgairement réalisé. D’autres passages sont jugés homophobes, caricaturant les homosexuels.

Face à ces critiques, certains replacent la série dans son époque : parler et montrer l’homosexualité à l’écran dans les années 1990 n’était pas si courant. D’autres rappellent que la série évoque malgré tout des sujets progressistes : un mariage homosexuel, le sujet de l’adoption ou des mères porteuses.

Et si on évoque The Office, évidemment toutes les blagues de Michael Scott ne “passeraient pas aujourd’hui”. Sauf que le personnage, interprété par Steve Carell, est volontairement écrit comme étant ridicule et remplis de clichés. D’ailleurs, les personnages autour montrent le plus souvent leur gêne, voire le remette en place.

Finalement, la principale raison est peut-être avant tout que l’on cherche à s’échapper de notre quotidien ou même de notre époque actuelle, et que la nostalgie nous paraît être un bon remède. On rêve de ces séries pas si lointaines où des personnages évoluent dans un monde qui ressemble au nôtre mais qui n’est plus vraiment pareil. Où le pire de leurs problèmes a l’air quand même moins grave que les moins graves des nôtres. Où la laideur des bureaux de Dundler Mufflin et de l’appart’ de Joey n’est finalement pas si moche.